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Entretien

Entretien avec Djemila Benhabib pour «Ma vie à contre-Coran».

En quelques mots, comment présenteriez-vous votre livre ?

Mon livre retrace mon cheminement personnel, c’est-à-dire celui d’une jeune femme issue d’un mariage mixte, élevée dans une famille ouverte et cultivée, engagée très jeune dans les luttes politiques et sociales de son pays, l’Algérie, qui a soif de liberté, rêve d’égalité, de justice sociale et essaye coûte que coûte de se frayer un chemin dans une société d’hommes où la répression à l’égard de toute expression démocratique est féroce. Il raconte également la montée de l’intégrisme musulman à travers l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques. Ma vie qui bascule, dès le début des années 1990, avec les attentats terroristes, les assassinats de proches et la condamnation à mort de toute ma famille en janvier 1994. Puis, c’est l’arrivée en France par petit bout, d’abord mon père, et par la suite ma mère, mon frère et moi. Trois ans plus tard, nouveau départ, pour le Québec, cette fois-ci, seule. Vient alors la prise de conscience que l’islamisme politique existe sous des formes différentes, non seulement dans mes deux pays d’adoption mais un peu partout dans le monde que je parcours comme journaliste. Finalement, naît cette urgence d’agir qui m’interpelle avec cette lancinante question : quoi faire face aux islamistes?

Qu’entendez-vous exactement par « urgence d’agir » ?

Où que l’on soit, en Europe ou en Amérique du Nord, on assiste à l’érosion de l’espace public sous la pression constante de groupes islamistes extrêmement bien organisés et financés par des États islamistes qui n’ont qu’une seule ambition : celle d’exporter leur projet de société pour peser et influer sur le cours de l’Histoire. S’il y a quelque chose que je retiens de mon expérience algérienne, c’est précisément de ne jamais céder à leurs demandes qui, de toute façon, sont bien plus politiques que religieuses. Or, au Québec, il y a tout un courant de pensée qui encourage les compromis avec les islamistes à travers les accommodements qu’on qualifie de raisonnables. Ce sont d’ailleurs les principales conclusions de la commission Bouchard-Taylor. Je sais de quoi sont capables les islamistes. Leur barbarie, j’y ai goûté. Jamais je ne pourrai l’oublier. Les revendications politico-religieuses, d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient, visent principalement à défendre une vision du monde totalement archaïque : raciste, sexiste, xénophobe et homophobe, en porte-à-faux avec les valeurs du Québec, et, par conséquent, elles n’ont aucunement leur place dans l’espace public. Le Québec n’a pas à accommoder les islamistes ; bien au contraire il doit renforcer son identité plurielle et affirmer ses valeurs. C’est cela, pour moi, agir.

Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire cet ouvrage ?

Le désir de partager une expérience unique qui fut la mienne en Algérie, lorsque mon pays a failli basculer dans l’islamisme et devenir une théocratie. Le désir de témoigner des formidables résistances de celles et ceux qui m’ont appris la dignité lorsque la vie ne tenait qu’à un fil. Le désir de dire au monde entier la terrible menace que représente l’islamisme politique sans pour autant constituer une fatalité pour les sociétés humaines. Le désir d’affirmer que d’autres solutions existent et sont possibles. Le désir d’exprimer toute ma reconnaissance aux gens d’ici pour leur attachement à la laïcité et aux droits des femmes, comme fondement de l’universalité, qui sont des acquis fragiles que nous devons toujours défendre avec acharnement. Alors, faisons en sorte, tous ensemble, que le Québec continue de suivre le chemin du progrès. Ici, le vivre ensemble est possible au-delà des différences, des ghettos ethniques et des replis communautaires.

Quels sont les écrivains et les œuvres qui ont le plus influencé votre travail ?

Ce travail, c’est le fruit d’un vécu, de voyages, de rencontres et de lectures trop nombreuses pour être mentionnées ici. Cependant, ma conception du vivre ensemble, de la laïcité et de l’éducation publique est fortement inspirée par celle d’Henri Pena-Ruiz et de ses nombreux ouvrages. J’ai également été marquée par les cheminements de Taslima Nasreen, Chahdortt Djavann, Ayaan Hirsi Ali et Wafa Sultan.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Je préfère écrire tôt le matin, avant le réveil de ma fille. Puis le soir après l’avoir couchée.

Avez-vous une adresse électronique où vous lecteurs peuvent vous écrire ?

Oui : djemilabenhabib@yahoo.ca 

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